Une épaisseur sans mesure
Sollicité sans cesse, notre œil intercepte et forme les images qui font retour fondues les unes aux autres, sans qu’il soit possible de les départager et, même en forçant la mémoire, il est toujours des parts d’une autre qui embuent ou se mêlent à celles qui parviennent à être isolées.
Plus qu’un inconvénient à rendre sa vérité à la sensation du moment, ce qui pourrait se donner sous le jour de l’engeance a le mérite de restituer la réalité du processus qui s’effectue, depuis la captation première, sa mémorisation jusqu’à sa restitution.
C’est dans ce déroulement que les travaux de montages photographiques de Bettina David-Fauchier trouvent leurs raisons.
Le fond de vues pré enregistrées à partir duquel s’opère le tri, puis le choix à fin de montage, se constitue d’images, prises à des endroits et moments différents, sans que leur soient davantage assignées de destinations et de place dans la projection d’une suite à donner ; c’est une sorte de réservoir de captations, et ce n’est qu’à la réouverture de cette réserve que certaines seront remarquées et choisies, car porteuses des signes, formes et indices capables d’apporter matière aux besoins et moments du montage.
Le montage condense les images pour en proposer une nouvelle dans laquelle les particularités de chacune s’annulent au profit d’un ensemble où les points de fuite se multiplient, un espace d’épaisseurs variables dans lequel alternent et se recouvrent le lointain et le proche en une pulsation légère. Les lignes et les plans se tendent et se brisent offrant autant de rampes où glisser et de passages au regard.
La tension et l’épaisseur prennent la place de l’ancienne profondeur, espace d’imprégnation semblable aux couches de mémoire où les images et souvenirs imprimés s’allient et se mêlent en contractant les temps pour une vision élargie du monde.
J.B.
09/04/10
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